Bonjour Nurith Aviv,

J’ai revu avec joie votre film Yiddish ces jours derniers et j’ai écouté hier l’échange par zoom.

J’avais envie de vous dire que mon histoire n’étant traversée que de façon indirecte par l’histoire juive, je n’avais « rien à retrouver » ; aussi est-ce la dimension poétique de votre dernier film qui m’a touchée et émue. Je suis admirative de la qualité des textes que vous nous faites découvrir et par la façon dont vous le faites. J’ai été épatée par la façon dont vous avez réussi à contourner la question de la traduction, en superposant le texte dit dans sa langue originale et en nous en donnant la traduction à lire. On entrait dans les textes par la musique de la voix, son souffle et en même temps par le texte. Merveille. Ca m’a rappelé certaines lectures de poésie où deux voix alternent, français et slovène, par exemple. Ou innu et français.

Les photos des poètes, ce qu’on apprend d’eux, l’enthousiasme qu’ils suscitaient en leur temps auprès de leurs concitoyens m’a rappelé la ferveur d’une certaine Nuit de la Poésie qui a marqué l’histoire du Québec, au temps nous pensions être sur le point de voir naître un pays et où l’espoir était porté par nos poètes et nos chanteurs.

L’autre « don » de votre film c’est bien celui d’avoir trouvé ces merveilleux passeurs du yiddish. Leur enthousiasme fait tellement de bien dans un temps où le cynisme se généralise.

Enfin, je voudrais souligner combien j’ai été sensible au cadre que vous avez installé. Il m’a paru d’une grande fluidité. Je n’ai pas les outils pour analyser, mais j’ai senti une sorte de clarté tranquille dans l’image et le montage qui fait du bien.

Dernière remarque, pour ce qui me concerne, la dernière intervenante et le poème m’ont sidérée : la première par la façon dont elle devient lumineuse en parlant, le second par sa modernité radicale.

Dans le débat d’hier, j’ai été sensible à ce que vous dites de ce qui avait été votre envie d’ aller voir d’un peu plus près cette langue dont on disait qu’elle était sans grammaire et sans poésie. Cela a fait écho à ce qui a été ma langue première, le « joual », cette langue méprisée des populations modestes du Québec, une langue qu’en vieillissant, je retrouve… ce qui ne me facilite pas la vie… en France.

Au plaisir de continuer à découvrir les mondes et les langues que vous explorez pour nous,

Chaleureusement,


José Morel Cinq-Mars