Lettre à une petite juive qui fait du cinéma

De langue méprisée, de langue de la honte à langue de l’honneur, de la poésie et de la fierté.
De Mendelson qui voulait abolir le yiddish pour que les juifs deviennent des citoyens à part entière à Yaohesh qui au contraire traduisit la Bible hébreu en Yiddish, le mouvement est le même que celui de Tal. Son chemin vers la grand -mère aux 7 langue dont on moquait l’accent yiddish à la redécouverte éblouie de cette langue.
Un nouvel espace de parole , de vie.
Mais c’est aussi pour Valentina, la langue de l’amour. Valentina aux cheveux blonds et à la robe rouge , subrepticement enceinte , qui parle en Yiddish son amour pour Arnaud.
Langue de Joie, jubilation à la parler chez Lila
Raphael évoque le texte de Kafka.
Dori en fait la langue de la diaspora, « une langue qui prend tout ce qu’elle a sous la main », « cosmopolite », celle d’une identité juive qui se déleste de l’identité israélienne , féminine, douce et pas virile et combattive.
C’est aussi la langue qui dévoile à Migle que sous les boutiques chics et les hôtels élégants de Vilnius avait existé le ghetto.

En fait,
de cette langue tu t’es faite le passeur la rendant étincelante avec sa poésie encore si actuelle aujourd’hui et avec tes images et ta manière de filmer au féminin. Ferveur.
Filmer la lumière dans sa douceur et sa sensualité comme si toi seule savait…
Nous donner à percevoir, on dirait presque à voir le souffle du vent dans le mouvement des feuilles d’arbre.
Le souffle ( Ru ‘kha en Hébreu ) il y a une ferveur dans tes films.
Il y a dans les poèmes que tes intervenants ont choisi , un enthousiasme, une « obstination sauvage » comme disait Raphael à propos des avant-gardes et de Peretz Markish
Cette « obstination sauvage »- la tienne aussi- se lit , s’écoute dans les franchissements qu’opère cette poésie , franchissement des identités, du masculin au féminin et retour, de l amour du même sexe à l’amour de l autre sexe.
Mais amour jamais mièvre si on pense à « l’amour vampire »tel qu’en parle Célia Dropkin et qu’évoque Dori dans une image où une simple cafetière, blanche, lumineuse, à peine posée sur une table vient contredire le rouge-sang évoqué par le poème :
« j’embrasse son sein et je bois goulument son sang,
Mon amour a soif de son sang »

Il faudrait dire aussi une expérience , celle de ce matin…
Ton film, je l’avais vu au Cinéma grand écran et ce fut l’éblouissement par les poèmes , et les images et le saisissement de ce début avec les vagues et ta voix qui suit le mouvement des vagues ou peut-être l’inverse, les vagues qui suivent ta voix et viennent et s’en vont au son de ta voix.
Oui, ZOOM est une expérience . Pour Zoom, j’ai regardé ton film à nouveau ; mais cette fois , sur mon ordinateur et dans mon lit et c’était une révélation, comme si on pouvait feuilleter le film, s’arrêter sur une image , contempler , puis revenir en arrière pour lire et relire un poème.
une autre expérience de cinéma qui ressemble à celle des livres illustrés qu’on découvrait dans l’enfance avec tant de plaisir.
Aussi, me semble-t-il, il y a une analogie de destin entre le destin de ton film et le destin de la langue Yiddish – qu’à travers la poésie et l’enthousiasme des jeunes qui en parlent , tu as sauvée du naufrage, de la disparition.
Menacé de disparaitre aussi ton film , confinement , pandémie salles de cinéma fermées écrans noirs et muets
Puis Zoom réapparition , métamorphose , chacun regarde le film chez soi et on se retrouve , nous spectateurs sur l’écran dans des petits carrés pour en parler avec toi.

Pour tes films Nurith et pour toutes les possibilités d’être que tu ouvres…
Infiniment
Je te dis merci