Chère Nurith,
depuis que je l'ai vu, je réfléchis à ton film, Circoncision.
Je pense qu'il est tellement fort au moins pour deux séries de
raisons, qui sont liées mais qu'il est important de distinguer.
D'abord, les thèmes : il traite de l'appartenance, de la communauté,
de la question des générations, de la filiation. Ce ne sont
pas des thèmes simples, ils ne l'ont jamais été,
mais aujourd'hui, dans l'état actuel de la civilisation et du chaos,
sûrement moins que jamais. Mais surtout la façon dont ces
thèmes sont traités est remarquable : l'éthique de
la représentation qui est à l'uvre, la façon
dont tu cadres la parole est vraiment pour moi une leçon de cinéma.
La parole est constamment maintenue ouverte, en mouvement, aucune parole
n'est définitive, aucune parole n'exclut les autres. C'est ce qui
donne une tension au film, on est tout le temps attentif, surpris, et
c'est aussi ce qui rend la parole vivante et démocratique, respectueuse,
parce que problématique. Les personnes interrogées sont-elles
aussi prises dans ce mouvement tragique, comique, elles sont elles-même
devant leur parole, placées devant ce qu'elles disent, on est à
l'opposé d'un quelconque discours académique "sur"
une question. La parole est saisie dans l'émergence, et du coup
les gens sont eux aussi transformés, et montrent en acte ce que
c'est, cette chose ordinaire et toujours si étonnante, un être
parlant.
Nurith, merci !
Leslie Kaplan
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Dear Nurith,
since I saw your film, Circumcision, I keep reflecting upon it.
I believe it is so powerful for at least two sets of reasons, which are
connected but which it matters to keep distinct. First the themes: it
deals with belonging, community, the question of generations, affiliation.
These are no simple themes, they never were, but in today's state of civilization
and chaos, surely less than ever. But what is especially remarkable is
the way in which these themes are managed: the ethics of representation
at work here, the way in which you frame speech is really a lesson in
cinema. Speech is constantly kept open, in motion, none is final, none
excludes the others. This is what lends its tension to the film, one remains
at all times attentive, surprised, and it is also what makes speech alive
and democratic, respectful because it is also problematic. The people
who are interviewed are themselves taken in this motion, both tragic and
comical, they are themselves in front of their words, confronted by what
they are saying, it is the opposite of some academic discourse "on
the subject" of a particular problem. Speech is seized while it is
emerging, and as a result people are transformed as well, and really show
in action this ordinary and always astonishing thing:a being who speaks.
Nurith, thank you.
Leslie Kaplan
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