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Projections/dbats Jeudi 2 fvrier 21h : Henri Cohen- Solal, psychanalyste, Tsvia Walden, psycholinguiste Mardi 7 fvrier 21h : Alain Fleischer, cinaste, romancier, Maurice Olender, historien, diteur Mardi 14 fvrier 21h : Marc Alain Ouaknin, philosophe Mardi 21 fvrier 21h : Sophie Kessler-Mesguich, linguiste, Rina Cohen, historienne Jeudi 23 fvrier 21h : Nathalie Zaltzman, Ghyslain Lvy, psychanalystes Dimanche 26 fvrier 11h : Max Kohn, psychanalyste Mardi 28 fvrier 21h : Daniel Farhi, rabbin Jeudi 2 mars 21h : Mireille Hadas-Lebel, historienne dimanche 5 Mars 11h: Anne-marie Houdebine, psychanalyste et linguiste Nabile Fares: psychanalyste, crivain Jean-Jacques Moscovitz: psychanalysteSances en prsence de Nurith Aviv En prsence de la ralisatrice Les 3 Luxembourg Production : 67 rue Monsieur Le Prince Frdric Luzy/01 42 80 09 63 swanproductions.fluzy@noos.fr 75006 Paris Groupes, associations : 01 46 33 97 77 Rebecca Fraiberger/06-63-17-63-63 rebecca.fraiberger@voila.fr Mtro : Odon, Luxembourg Presse : annevaugeois@free.fr Sylvie Brugnon/01 42 74 06 01 sylvie.brugnon@wanadoo.fr http://lestroisluxembourg.com Plein tarif : 7€ Tarif rduit : 5.5€ (tud, CV, -20ans, chm) Pour plus d’information http://nurithaviv.free.fr/ MISAFA LESAFA D'une langue l'autreUn film de Nurith AvivAvant mme sa sortie officielle, le film de Nurith Aviv D'une langue l'autre , traduction franaise de Misafa Lesafa , a fait son chemin. De bouche oreille. Parce que de leur bouche notre oreille, ils tmoignent, et leurs paroles font cho. Elles rsonnent, font vibrer l'intime et l'extime, le familier et l'tranger, le Heimlich et l'Unheimlich, aux racines de la langue qui nous fait Sujet. Ils sont dix, crivains, potes, philosophes, acteurs ou chanteurs, juifs de l'autre bout du monde ou arabes ns en Palestine, israliens issus de la diaspora ou palestiniens ancrs sur les terres o ils sont ns. Nurith Aviv, la ralisatrice, coute, dcoupe, dans le silence d'une criture sobre et rigoureuse. Elle parle d'elle, puis se tait, se fait le lieu de leur parole. Dix, de cette gnration de la survivance , dire l'preuve de la perte, dire le passage du Heimlich de la langue perdue, cet ailleurs, trange(r), Unheimlich. Qu'ont-ils fait, les uns, les autres, de cet cart dont ils sont creuss ? L'œil de la camra, celui de sa ralisatrice, coute et rvle l'exil subjectif d'une gnration de traverse, et de ses enfants. Le regard se fait intrieur, qui accompagne les dplacements gographiques et psychiques, les traverses d'histoires, de pays, de cultures, et de langues, tandis que les plans s'immobilisent sur des lieux sereins, promesses de havres de paix pour dchirures intimes. Les plans s'immobilisent sur les lieux vivre enfin atteints, des abris prendre racine pour vies dracines. Entre ternit et fragilit. trace de parcours incertains, improbables, faisant de chacun le hros ordinaire de sa propre vie. Ils sont l et tmoignent. Sans pathos. Ils tmoignent des preuves, renoncements, et conqutes de la langue, sur fond traumatique majeur. Pour les israliens issus de la diaspora, l'apprentissage de la langue nouvelle, en les liant la promesse symbolique, semble tre venu suturer les deuils hmorragiques, dans un effet d'aprs-coup. Des trajets psychiques se sont dposs, vids de leur charge de douleur, dans l'cart d'une langue autre. L'hbreu, langue autre mais aussi langue de l'Autre. Ainsi furent-ils ports par la transmission symbolique d'une langue qui plonge ses racines dans la nuit des temps, devenue celle d'un Etat prometteur, promoteur de l'homme nouveau. A l'ombre de cette construction soutenue par un idal et une promesse, les palestiniens sont devenus otages de la langue nouvelle du nouvel Etat, langue officielle, dont l'effet de dsappropriation de l'intime, est venu confirmer un rel traumatique. Qu'il soit vhicule emprunt, ou langue adopte et incorpore, l'hbreu prend valeur de conqute, conqute sur soi, conqute sur l'autre : L'hbreu, langue du nouvel Etat a atterri sur nous dit le pote palestinien Salman Masalha, qui poursuit L'hbreu n'appartient plus aux juifs, mais quiconque le parle. Au moyen de l'hbreu, je ne prends pas seulement possession de la langue, mais je renforce aussi ma possession sur le lieu . Comment la langue se subjective-t-elle au travers des gnrations, selon la position de celui qui la parle et la transmet ? L o la langue se voulait promesse de rencontre et trait d'union de vies disperses et disparates, possession/dpossession, libration/occupation, libert/alination fonctionnent comme deux versants inconciliables d'une mme langue suivant qu'elle est incorpore ou rejete. Selon que la langue officielle a pris la couleur du Sauveur , ou la couleur de l'Occupant , la couleur de la promesse ou celle de la rsignation, la couleur de l'espoir ou celle de la rvolte, qu'elle est choisie ou subie, de cette langue, qu'ont-ils fait ? Entre la langue du devoir, et la langue promise au dsir, comment les uns et les autres, citoyens d'un mme pays, se la sont-ils approprie ? Comment dsempars, s'en sont-ils empars, comment l'ont-ils habite, dshabite, comment s'y dplacent-ils, comment s'y reconnaissent-ils, et quel prix subjectif ? Les hommes et les femmes qui parlent ici ont fait l'exprience des ruptures et des franchissements. Ils se sont amputs de la langue qui coule en eux, contraints se dlester d'une partie de leur Etre, pour se lester de l'hbreu : l'hbreu… ce n'est pas une langue qui jaillit de toi, mais c'est comme se remplir de gravier… la langue maternelle, tu ne la parles pas, elle coule Aharon Appelfeld. Depuis l'intime de la langue perdue, ils ont travers les frontires, les frontires les ont traverss, ils ont emprunt les chemins de traverse, emprunt les langues du passage, les langues de passage, pour atterrir, toucher terre, Terre promise, terre de l'Autre. Mais aussi terre de l'autre dj l : Chante en hbreu , dit-on la chanteuse palestinienne Amal Murkus, on m'a propos des chants de pionniers… tous ces chants sur le labeur et le travail de la terre… mais je savais qui avait travaill la terre : mon pre et mon grand-pre . Plus ou moins radicalement, plus ou moins dramatiquement, tous ont eu s'arracher de leur langue maternelle, pour habiter une langue qui ne les a pas baigns, qui ne les a pas bercs. Tous ont eu rompre les vidences, rompre les charmes, pour inventer l'autre lieu de leur parole, pour articuler le monde selon la langue nouvelle qui le nomme. Ainsi le rabbin et philosophe Daniel Epstein tmoigne : je me suis senti dans deux mondes qui en rien ne peuvent se comprendre, disant autrement des choses diffrentes . Une langue les a ports autrefois, qui n'a plus cours. Ils ont d en effacer la mmoire, mais est reste la sensualit. Le corps se souvient : Du moment o j'ai voulu pntrer l'hbreu, j'ai d assassiner la langue russe… malgr tout quelque chose du russe est rest… la musique de la posie de Pouchkine et Lermontov, dans ma propre posie, j'avais les mmes rythmes, je ne les ai pas appris, ils taient simplement l . Meir Weiseltier. L'hbreu unifiant, unificateur, aurait-il pour fonction de recouvrir la sensualit des langues d'origine, la trace du corps de la langue, de la langue du corps, l o les corps ont disparu sans laisser de traces ? Ncessit vitale pour construire, se reconstruire, de refouler l'intime, d'assassiner l'amour de leur langue, leur langue d'amour, dtourne, confisque en langue de haine : Nous avons refoul tout ce qui tait en nous, et sur cette crote, la surface de la conscience, nous avons construit une autre vie, non relie au pass Aharon Appelfeld. Ou encore, Haviva Pedaya : La deuxime gnration de l'migration commence un point d'amnsie . Aprs-coup d'une douleur hmorragique enfin suture, le point d'amnsie n'est-il pas l'ombilic-mme de l'idal de construction sioniste, selon les lendemains qui chantent. Passage des frontires, passage des cultures, passage des langues, de ce passage d'une rive l'autre, Maurice Blanchot dira que c'est maintenir cet entre-deux rives qu'est la vrit du passage . Pourtant, on entend l, que la vrit du passage, la vrit de ceux qui y sont passs, se fait au pril de son Etre, au prix d'un saut prilleux, au risque d'un trou : Je me trouvais dans cette zone entre les langues, dans ce lieu du malaise… pour moi le hongrois est comme le lait maternel… quand mon pre est mort… j'ai senti que l'hbreu ne me portait plus, je m'croulais dans le hongrois… ceci dit, je n'ai pas d'autre langue que l'hbreu Agi Mishol. Ou encore, Haviva Pedaya “Je parle de mon hbrat et de mon arabit, comme de deux essences que relie un point aveugle, une zone d'oubli, une zone abandonne. N'est-ce pas de ce lieu de fracture, de cet impossible dire, que l'artiste puise l'nergie cratrice et en fait œuvre ? Ce passage oblig, ce passage-sauvetage, aussi fondateur et crateur soit-il, se fait au prix d'une perte, au prix d'un reste qu'Aharon Appenfeld dsigne comme infirmit : un homme qui perd sa langue maternelle est infirme pour la vie . L o la langue premire fait coupure dans la jouissance, la rsidence dans une autre langue vient creuser l'cart, insister sur la faille, redoubler l'exil fondateur, au risque de l'amputation, au risque de l'anesthsie, au risque de la drliction, au risque aussi de la cration. Ecoutons encore le rabbin Daniel Epstein : Je ne dirais pas que je vis dans une langue, puis dans l'autre, je cours de l'une l'autre comme un battement de cœur . Contre le clivage qui guette, c'est la mtaphore d'un battement de cœur qui lui revient : fort/da, fort/da, fort/da…. Ainsi bat la vie, dans un franchissement symbolique, pour faire œuvre de cet entre-deux aveugle. Jusqu' cette gnration d'aujourd'hui, o l'hbreu, langue officielle transmise en hritage, se fait son tour langue maternelle, langue du sensuel, qui porte en son cœur le point d'amnsie. En exil de leur langue, en tat de conqute ou de rsistance, de guerre ou de paix, pris dans des enjeux de vie et de mort, israliens et palestiniens ici runis, tmoignent depuis le lieu de la fracture qui les a creuss, entre traumatisme et cration. Tmoignages essentiels, pour un film aux multiples lectures. |