Nous sommes parents d’enfants sourds et nous avons échangé quelques mots après la projection de votre Film «Signer» à Marseille.
Comme vous me l’avez demandé, je vous envoie, bien tardivement je m’en excuse, ces quelques lignes sur notre histoire avec notre (merveilleux) fils sourd et la LSF.
M. est né en 2005 et a été diagnostiqué sourd quelques jours après sa naissance.
Après quelques mois, les examens confirment que la surdité est profonde et sans appareillage possible.
Après le choc de l’annonce, nous décidons de tout mettre en œuvre pour que notre enfant puisse communiquer et avoir sa place dans la société.
Nous démarrons un protocole à l’hôpital afin qu’il puisse bénéficier d’un implant cochléaire.
Nous sommes suivis dans le service d’accueil des enfants sourds et le leitmotiv est l’accès à l’oralisation à tous prix.
Personne ne nous parle de la LSF, de la culture et de l’identité d’un sourd, du libre choix de la langue de l’éducation pour les parents d’enfants sourds précisé par la loi de 2005,…
Heureusement, en parallèle de la démarche purement médicale à l’hôpital, nous tentons de nous renseigner sur la surdité et nous sommes amenés à rencontrer par hasard une orthophoniste qui nous fait découvrir l’importance de la LSF et nous met en relation avec, une adulte sourde qui vient régulièrement à la maison pour enseigner la LSF à toute la famille et nous familiariser avec la culture sourde.
C’est là que notre vie et surtout de celle de notre enfant a basculé, notre fils a alors 1 an.
Apprendre la LSF nous apparait comme une évidence, une logique qui va dans le respect de la singularité de notre enfant dans son identité de sourd.
Côté hôpital, nous avançons dans le protocole de l’opération pour l’implant cochléaire. Il nous est clairement expliqué que le coût d’un implant cochléaire (45K€) ne permet pas d’en faire bénéficier tous les enfants donc il nous ait demandé d’exprimer notre motivation afin d’optimiser les garanties de réussite: l’oralisation.
Nous évoquons naïvement notre démarche dans l’apprentissage de la LSF et il nous est alors clairement expliqué que nous devons faire un choix: soit l’oralisation et bénéficier de l’implant pour notre fils, soit la LSF mais pas d’implant.
Tout s’écroule à nouveau nous risquons de perdre l’accès à la possibilité qu’il entende, hors de question de le priver de cette opportunité, nous décidons de mentir et d’affirmer à l’hôpital que notre unique objectif est que notre fils puisse parler….il faut alors jouer un double jeu ….
M. a 18 mois: l’opération peut être programmée. Voilà quelques mois que nous apprenons de plus en plus de signes avec M. que nous dissimulons lors de nos visites à l’hôpital.
L’opération bien que très impressionnante se passe bien. M. investit pleinement son implant commence à oraliser, à s’épanouir, les médecins sont très satisfait des résultats
C’est toujours un enfant très vif et heureux.
M. a 3 ans et commence à se plaindre de maux de tête et de gêne dans sa tête….nous communiquons alors avec quelques mots par oral et quelques signes mais il ne maitrise pas encore de langage pour pouvoir exprimer et comprendre ce qui se passe…..M. refuse de mettre son implant….nous sommes désemparés, les médecins nous disent d’insister, de ne pas lui laisser le choix , de le forcer, ils pensent que c’est un «caprice»,….nous sommes culpabilisés sur notre incapacité à lui faire porter cet implant qui désormais le fait pleurer; hurler dès qu’il voit la boite…son comportement devient violent, enchainement de crises, la communication avec notre fils est coupée….nous sommes perdus, effondrés….
Nous décidons alors de lui expliquer comme on peut que nous respectons son choix, que cet appareil dont il ne veut pas restera dans la boite et que c’est lui qui décide ce qu’il veut en faire. Il n’a jamais voulu le remettre.
Les relations s’apaisent, la communication entre nous s’améliore, elle est basée exclusivement sur la LSF désormais. Nous suivons des cours de communication non violente qui nous aident beaucoup à rétablir une communication bienveillante et de qualité avec notre fils.
M. a aujourd’hui 13 ans; un jeune ado très épanouis et heureux dans son identité de sourd avec sa langue première: la LSF.
Je n’utilise pas le terme de langue «maternelle» car ce n’est pas la mienne…
Désolée pour ces longues lignes, je ne sais pas résumer d’avantage ces 13 années qui ont été très denses et riches en rebondissement.
Je vous souhaite une belle fin d’année et un maximum de projections pour votre film «Signer».